
Au Canada, est-ce qu’on procède au dégriffage ou non ?
25 juillet 2018Notre troisième article de blogue est enfin arrivé et nous voulions en profiter pour traiter d’un sujet d’actualité dans le monde de la santé animale qui touche autant les professionnels que les propriétaires d’animaux : le dégriffage des chats. Une pratique douteuse ou nécessaire ? La question fait-elle l’unanimité chez les vétérinaires ? Est-ce que le dégriffage est encore bien présent dans les différentes provinces canadiennes ? C’est autant de questions qui seront abordées dans ce texte qui se veut être une synthèse, et non un texte d’opinion.
Tout d’abord, en quoi consiste le dégriffage félin ?
Aussi appelée onyxectomie, la procédure implique de retirer la troisième et dernière phalange de chaque doigt du chat afin d’enlever la griffe. Contrairement aux ongles de l’homme qui proviennent de la peau, les griffes du chat proviennent de l’os, ce qui explique la nécessité de toucher à la phalange pour retirer la griffe. Réalisée sous anesthésie générale, l’opération est pour la plupart du temps un choix du propriétaire de l’animal, souvent demandée à être faite conjointement avec la stérilisation et effectuée sur les chats domestiques en majorité.
Le débat du dégriffage
Un nombre croissant de professionnels et de cliniques médicales dénoncent et protestent vivement la pratique du dégriffage. Pourquoi ? Parce que ces groupes la considèrent comme contraire à l’éthique du métier, ainsi qu’inutile. Depuis mars 2017, l’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) s’y oppose et parle plutôt d’« amputation partielle des doigts des félidés domestiques » pour identifier la pratique. Des recherches avaient en effet permis à l’association de statuer sur la question, découvrant que cette opération cause une souffrance inutile aux chats ainsi que des effets secondaires négatifs sur le comportement de l’animal et sa physiologie à long terme.
Bien que les médecins vétérinaires aient toujours le droit de refuser de dégriffer les chats de leurs clients, le dégriffage demeure en requête fréquente chez les propriétaires de chats domestiques. La raison principale : vouloir éviter que le mobilier ne soit endommagé par le chat. Certains vétérinaires se sont d’ailleurs déjà prononcés contre l’abolition du dégriffage, expliquant qu’il s’agit de l’unique façon de protéger la maison et les enfants. Il faut dire qu’un bon nombre de vétérinaires procèdent à l’opération afin d’éviter que les clients ne se débarrassent de leur chat ou pire, décident de l’euthanasier. Il peut y avoir une certaine dualité entre la relation « vétérinaire/client » et l’éthique de la profession. L’opération du dégriffage représente parfois aussi une importante source de revenu pour les cliniques.
À la recherche de compromis
Les médecins vétérinaires doivent être bien au courant des alternatives qui doivent être présentées aux propriétaires de chats domestiques. Tout d’abord, la coupe régulière des griffes chez un professionnel est recommandée une fois aux deux semaines. Ensuite, l’utilisation de protèges-griffes, des petits capuchons aussi appelés griffes-masquées ou soft paws, qui viennent complètement recouvrir la griffe. Le produit utilisé ne représente évidemment aucun danger pour l’animal et les capuchons n’obstruent pas la rétraction ni l’extraction naturelle des griffes. Les chats se servent de leurs griffes comme un moyen de défense, mais surtout une façon de marquer leur environnement. L’achat de griffoirs peut donc être approprié. On parle ici d’un matériel installé dans la maison destiné à recevoir les marques de territoires du chat. Le griffoir doit être assez haut et solide pour donner envie à l’animal d’y poser ses griffes et s’allonger pour s’y étirer.
Ces alternatives doivent être précédées par une éducation préventive du chat et de la famille. Comme avec le chien, le renforcement positif est de mise. Les enfants doivent aussi pouvoir reconnaître les signes de frustration du chat et respecter l’environnement de l’animal.
La présence du dégriffage au Canada
Le dégriffage des chats est déjà banni et considéré inhumain en Australie, Nouvelle-Zélande, Israël, au Brésil et dans près de 25 pays européens. C’est West Hollywood qui fut la première ville d’Amérique du Nord à contester l’opération. Les états de New York et du New Jersey sont en discussion à ce propos. Au Canada, bien que l’ACMV se soit affichée contre le dégriffage, les vétérinaires sont toujours libres d’accepter ou non de le faire tant qu’il n’y a pas de loi dans leur province ou au sein de leur clinique qui stipule le contraire.
Depuis le 15 mars 2018, la Nouvelle-Écosse est devenue la première province canadienne à interdire le dégriffage des chats. Se basant sur des recherches comportementales, l’association provinciale considère la pratique comme étant à l’encontre de l’éthique de la profession. Cette nouvelle a provoqué une vague de réactions chez les vétérinaires à travers le Canada. Depuis le 8 mai 2018, la Colombie-Britannique est devenue la deuxième province canadienne à prendre position en décidant de bannir le dégriffage des chats. Le Collège des vétérinaires de la Colombie-Britannique estime qu’aucune condition particulière du propriétaire de l’animal ne peut justifier une telle opération, et qu’il existe d’autres moyens pour se débarrasser des problèmes de comportement de l’animal.
Depuis le début de 2018, des organismes et vétérinaires d’Ontario, d’Alberta et du Nouveau-Brunswick se sont prononcés publiquement et souhaitent que l’ensemble du pays suive l’exemple de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique.
L’Association de médecine vétérinaire de l’Île-du-Prince-Édouard prévoit quant à elle ne pas avoir besoin de bannir l’opération dans sa province, puisque les chiffres démontrent une forte diminution de la demande en clinique. L’association y voit le résultat direct des efforts mis en éducation publique.
La Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique sont à présent les deux seules provinces à interdire le dégriffage et pas seulement à s’y opposer. Néanmoins, des cliniques du Manitoba, de Saskatchewan et du Québec ont déjà emboîté le pas et décidé d’interdire le dégriffage au sein de leur établissement. Les propriétaires et professionnels qui travaillent dans les cliniques possèdent un pouvoir décisionnel qui pourrait, au final, influencer les ordres provinciaux à prendre position. Pour que cette vague de changement puisse continuer à s’étendre, des actions à petite échelle devront être mises en œuvre par les acteurs concernés.
Nous voulons continuer la discussion avec vous ! Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous pour ou contre le dégriffage des chats ? Croyez-vous que la solution réside dans l’abolition de la pratique ou plutôt dans une meilleure éducation publique ? Connaissez-vous d’autres alternatives au dégriffage que celles identifiées dans cet article ? Exprimez-vous dans les commentaires et merci à tous nos lecteurs !
Pour plus d’informations
Nous vous invitons à consulter les capsules vidéo mises en ligne sur Facebook par l’Association des étudiants en médecine vétérinaire du Québec en suivant ce lien : https://www.facebook.com/pg/AEMVQ/videos/?ref=page_internal
L’équipe d‘oxilia